Renforcer les systèmes de santé pour éradiquer la poliomyélite et accélérer la couverture sanitaire universelle

Tribune - 24 octobre 2022

De plus en plus de pays africains font face à une résurgence de la poliomyélite moins de deux ans après que le continent ait été déclaré exempt de poliovirus sauvage par l'Organisation mondiale de la Santé (OMS). La covid-19 a, en effet, perturbé le fonctionnement des services de santé essentiels sur le continent ainsi que les campagnes de vaccination de routine contre les maladies évitables comme la poliomyélite. Rien qu'au Tchad par exemple, 842 cas de paralysies irréversibles dues au virus de la poliomyélite ont été signalés depuis janvier 2022. 842 enfants paralysés à vie alors qu'un vaccin aurait suffi à préserver leur santé. A ce jour, il n'existe pas encore de traitement curatif de la poliomyélite. La prévention par la vaccination reste la seule solution. Grâce aux campagnes de vaccinations de masse, 18 millions de cas de paralysies dues à la poliomyélite ont pu être évités ces dernières décennies. Des progrès spectaculaires ont été réalisés vers l'éradication de la poliomyélite. La résurgence des cas de poliomyélite est un recul regrettable, une menace grave pour toutes et tous. L'Initiative mondiale pour l'éradication de la poliomyélite estime que si la maladie n'est pas éradiquée d'ici dix ans, jusqu'à 200 000 enfants pourraient être paralysés par la poliomyélite chaque année. En revanche, l'éradication de la maladie permettrait d'éviter jusqu'à 50 milliards de dollars US en dépenses de santé au niveau mondial pour les 20 prochaines années.

Investir dans la souveraineté vaccinale

En 2021, 25 millions d'enfants dans le monde n'ont pas reçu une ou plusieurs doses de vaccins qui les auraient protégés contre la diphtérie, le tétanos ou la poliomyélite selon l'OMS. En Afrique, plusieurs raisons expliquent cette absence de vaccination notamment la réticence des populations, les conflits, les rumeurs, la faiblesse du système de santé et d'assainissement, mais surtout l'hyper-dépendance vaccinale du continent. Aujourd'hui encore, l'Afrique importe 99% des vaccins de routine alors qu'elle représente un quart de la demande mondiale de vaccins de toute nature. Dans certains cas, cette dépendance aux importations - et les pénuries chroniques qu'elle entraine - nourrit l'hésitation des populations face aux vaccins. Investir dans le développement d'infrastructures locales de production de vaccins est donc un besoin vital et urgent pour le continent africain. En cela, l'élan impulsé par la covid-19 dans certains pays comme le Sénégal et le Rwanda ne doit pas s'estomper. En juillet 2021, le Sénégal a acté la création d'une usine de production de vaccins contre la covid-19 et d'autres maladies endémiques. Le Rwanda, pour sa part, a lancé en juin 2022 le projet de construction de la toute première usine de vaccins à ARN messager en Afrique. Ces signaux forts jettent les bases d'une souveraineté pharmaceutique et médicale indispensables pour garantir l'accès aux vaccins et préserver la santé des populations en Afrique.

Soutenir la recherche et le développement

Cependant, cette souveraineté ne serait entière si elle n'est pas soutenue par un financement durable de la recherche et l'innovation en Afrique. Quarante-deux après l'adoption du Plan d'action de Lagos, les pays africains peinent encore à atteindre l'objectif d'affecter au moins 1% de leur PIB au financement de la recherche et développement. Il est crucial que les pouvoirs publics, mais aussi le secteur privé, priorisent le développement d'une expertise scientifique africaine à travers le financement endogène de la recherche et développement. Investir dans la recherche permettra non seulement de renforcer notre potentiel de surveillance des épidémies, mais aussi notre capacité à développer des produits de santé (vaccins, diagnostics, thérapeutiques) destinés en priorité aux besoins africains encore peu pris en compte. En cela, le prochain Forum Galien Afrique, offrira une opportunité à la communauté scientifique, à la société civile, au secteur privé et aux pouvoirs publics africains de réfléchir aux mécanismes innovants de financement de la santé afin de tendre vers la couverture sanitaire universelle. Ce n'est qu'à ce prix que nous pourrons renforcer nos systèmes de santé face aux résurgences de maladies infectieuses anciennes et aux nouvelles épidémies qui nous menacent.

Par Pr. Awa Marie Coll-Seck, ministre d'Etat du Sénégal

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