Pourquoi il est essentiel de mobiliser le secteur privé dans la lutte pour l'élimination du paludisme : L'exemple de l'initiative Zéro Palu ! Les entreprises s'engagent

Blog - 25 mars 2024

James Wallen, coordonnateur du Programme paludisme de Speak Up Africa - Mars 2024

Le financement international pour la lutte contre le paludisme stagne : nous constatons actuellement un déficit budgétaire de 1,5 milliard USD rien que pour maintenir les services de base et il faudrait 5,2 milliards USD d'investissements supplémentaires par an pour accomplir des progrès en vue d'éliminer la maladie. Il apparaît donc plus clairement que jamais que le secteur privé - une ressource largement sous-exploitée en ce qui concerne le paludisme - a un rôle important à jouer pour soutenir les efforts des gouvernements pour éliminer cette maladie.

D'ailleurs, bien que certains pays africains comme la Zambie et le Bénin aient considérablement augmenté leurs investissements, ayant plus que doublé leur financement en faveur de la lutte contre le paludisme en 2023, l'ampleur du défi nécessite de nouveaux partenaires et des mécanismes de financement innovants[1]. C'est pour relever ce défi que Speak Up Africa travaille depuis quatre ans en partenariat avec Ecobank et le Partenariat RBM, dans le cadre de l'Initiative Zéro Palu ! Les entreprises s'engagent

À Lomé, le 15 février, nous avons eu l'honneur de féliciter les sociétés et les chefs d'entreprise qui ont contribué au succès de cette initiative en mobilisant collectivement 6 millions USD de contributions financières et en nature au Bénin, au Burkina Faso, au Ghana, en Ouganda et au Sénégal.

Cela a été un moment exceptionnel de célébration et de gratitude pour tous ceux qui se sont unis autour de cette vision collective puissante. Sur les 60 entreprises qui ont participé à l'initiative au cours des quatre dernières années, neuf ont été sélectionnées pour recevoir un prix : MTN et la Polyclinique St Vincent de Paul au Bénin ; Univers Bio Medical et Iris Conception Trade au Burkina Faso ; Multi-media Group au Ghana ; Next Media et Rimka en Ouganda ; et Canal+ et I-CONS au Sénégal.
De plus, trois champions - chefs d'entreprise individuels prêts à user de leur influence au sein de leurs réseaux pour faire progresser le plaidoyer et la mobilisation des ressources - ont été récompensés : Kenneth Wycliff Mugisha, président du conseil d'administration de Malaria-Free Uganda et homme d'affaires de longue date, Samuel Asiedu Agyei, directeur du programme de lutte contre le paludisme d'AngloGold Ashanti au Ghana, et l'honorable Ake Natondé, membre du Parlement du Bénin et promoteur de la Haute école de commerce et de management.

L'Initiative Zéro Palu ! Les entreprises s'engagent contribue à renforcer le très large soutien en faveur de l'élimination du paludisme au sein du secteur privé en Afrique, lui-même extrêmement touché par des conditions macro-économiques défavorables, la baisse du revenu disponible, la hausse des frais de santé, la montée de l'absentéisme et la baisse de la productivité.

Penchons-nous un instant sur quelques statistiques alarmantes qui illustrent l'ampleur de cet impact :

  • Une personne atteinte de paludisme perd en général entre 1 jour et demi et 4 jours de travail par épisode.
  • Rien qu'au Kenya, environ 170 millions de journées de travail et 11 % de journées d'école primaire sont perdues chaque année à cause du paludisme.
  • On estime que le paludisme affecte jusqu'à 60 % des capacités d'apprentissage des écoliers.
  • L'absentéisme lié au paludisme et la perte de productivité qui en résulte coûtent au Nigeria près de 1,1 milliard USD par an.
  • En Afrique subsaharienne, 72 % des entreprises font état d'un impact négatif dû au paludisme, 39 % d'entre elles estimant que cet impact est grave.
  • Le coût total direct et indirect du paludisme peut représenter jusqu'à 32 % du revenu annuel du ménage dans les familles à très faible revenu.
  • Le paludisme cause une réduction de la croissance du PIB pouvant aller jusqu'à 1,3 % dans les pays où il est endémique.
  • Au Ghana, on estime que le gain économique tiré de l'élimination du paludisme d'ici à 2030 sera de 32 milliards USD en termes de réduction des dépenses du système de santé, d'augmentation des ressources financières des ménages et de gains de productivité.

Bien entendu, cet impact n'est pas ressenti de manière uniforme à travers ou à l'intérieur des pays, certaines régions étant beaucoup plus gravement touchées que d'autres. C'est le cas du Sénégal où environ 80 % des cas de paludisme se trouvent dans le sud-est du pays, tandis que certaines régions du nord ont pratiquement éliminé la maladie. Les entreprises du secteur privé seront plus directement touchées si leurs activités se déroulent dans des zones à forte charge de morbidité, et plus particulièrement si elles font appel à un grand nombre de travailleurs manuels, particulièrement exposés à la transmission du paludisme.

Cependant, comme le montrent les statistiques précédentes, le paludisme a un impact profond qui va bien au-delà des analyses au niveau local : il a un impact majeur sur le niveau d'instruction, contribuant à l'affaiblissement du marché de l'emploi ; il draine les revenus des familles, réduisant les dépenses consacrées aux marchandises et aux services du secteur privé, et exerce une pression très forte sur le système de santé publique et les dépenses du gouvernement, détournant des investissements cruellement nécessaires ailleurs, et ses effets se font même sentir au niveau macro-économique lorsque l'on examine les indicateurs de performance économique tels que le PIB. Le contraste est saisissant : alors que beaucoup continuent à minimiser et normaliser le paludisme, son impact sur les individus, les familles, les communautés, les entreprises, des nations entières et le continent africain dans son ensemble, ne peut être surestimé et inversement, les avantages économiques potentiels de l'élimination du paludisme seraient spectaculaires, cumulatifs et de longue durée[2].

Le secteur privé africain a donc tout intérêt à faire partie de la solution. Ce qui nous ramène à l'initiative Zéro Palu ! Les entreprises s'engagent: des entreprises de tailles très diverses et représentant un large éventail de secteurs économiques, telles que les télécommunications, la construction, l'exploitation minière, les produits pharmaceutiques, la banque, la microfinance et bien d'autres, ont trouvé des moyens de contribuer de manière significative.

Voici quelques exemples de la façon dont les entreprises ont contribué à cette initiative : don de moustiquaires ou de tests de diagnostic rapide pour combler les lacunes spécifiques identifiées par les programmes nationaux ; temps d'antenne gratuit et envoi de millions de SMS pour amplifier les messages clés liés à la prévention et au traitement du paludisme ; formation des personnels de santé communautaire aux meilleures pratiques de lutte contre le paludisme et fourniture de bicyclettes et de motos pour améliorer l'accès aux zones reculées ; mise en œuvre d'interventions de lutte contre le paludisme dans des zones géographiques spécifiques, notamment des pulvérisations intradomiciliaires d'insecticides à effets rémanents (IRS), fourniture de médicaments antipaludiques pour éviter les ruptures de stock dans les districts prioritaires et sensibilisation des communautés, ainsi qu'un soutien logistique lors des campagnes de distribution de masse.

Malgré les succès de cette initiative pilote et les leçons tirées de ce qui a fonctionné ou pas pour améliorer les stratégies d'implication du secteur privé à l'avenir, nous devons également faire preuve de réalisme face aux vastes défis auxquels est confrontée la communauté mondiale de lutte contre le paludisme.

En effet, les facteurs qui risquent de ralentir les progrès de la lutte contre le paludisme sont clairs et alarmants : la résistance aux insecticides, aux médicaments et au diagnostic, le changement climatique et la propagation du moustique invasif Anopheles Stephansi menacent de freiner les progrès considérables accomplis depuis le début du siècle. De nouveaux outils sont en préparation, mais sans un engagement intersectoriel sérieux et des mécanismes de financement novateurs, ils seront difficiles à mettre à l'échelle, sans parler des difficultés existantes pour assurer une couverture de base pour les interventions essentielles de lutte contre le paludisme. N'oublions pas que, selon le dernier rapport mondial sur le paludisme, en 2022, près de la moitié des femmes enceintes (42 %) n'ont pas reçu les trois doses recommandées de traitement préventif intermittent (TPI), et environ un tiers des enfants fébriles n'ont pas consulté un professionnel de santé.

Pour lutter efficacement contre le paludisme et avoir une chance d'être la génération qui vaincra cette maladie, il faudra une réponse d'ampleur considérable impliquant les gouvernements, les partenaires du développement, le secteur privé, la société civile et les médias, les chefs traditionnels et religieux, les personnalités sportives et les célébrités, les institutions universitaires et de recherche, les innovateurs et les chefs d'entreprise.

Chacun a un rôle à jouer.

#ZeroMalariaBusinessLeadershipInitiative

ZéroPaluJeMengage


[1] Le gouvernement du Bénin a également confirmé une augmentation supplémentaire de 22 % du budget consacré à la lutte contre le paludisme en 2024

[2] Selon certaines estimations, le bénéfice économique de l'élimination du paludisme s'élèverait à 4 000 milliards USD. https://endmalaria.org/sites/default/files/RBM_AIM_Advocacy_pull-out_EN-lores_0.pdf

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