Unissons nos voix contre la violence sexiste

Unissons nos voix contre la violence sexiste

En tant qu'organisations de Voix EssentiELLES du Sénégal, du Burkina Faso et de la Côte d'Ivoire, réunies à Abidjan du 30 novembre au1er décembre 2022, et dans le cadre de la campagne des 16 jours d'activisme contre les violences basées sur le genre, nous appelons de toute urgence les gouvernements et les dirigeants africains à prendre des mesures fermes pour lutter contre les stéréotypes socioculturels qui alimentent la violence à l'égard des femmes et des filles.

Alors que la plupart des gouvernements reconnaissent que l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes sont des facteurs clés du développement de leur pays, le statut social et les rôles des femmes et des filles dans nos sociétés restent très traditionnels. En tant que femmes, nous continuons à assumer une part disproportionnée des travaux domestiques et ruraux et de l'éducation des enfants, et même lorsque nous sommes incluses dans les cercles de décision, nos voix ne sont pas valorisées en raison de notre sexe, ce qui devient malheureusement un obstacle à l'expression pleine et entière de notre leadership.

En tant qu'organisations engagées dans la réalisation des droits des femmes, nous travaillons chaque jour à l'élimination des barrières religieuses, économiques et socioculturelles afin de permettre aux femmes et aux jeunes filles de réaliser pleinement leur potentiel.

Au sein de nos communautés, notre engagement en tant que féministes est encore mal perçu. Nous sommes perçues comme des " femmes aux mœurs légères ", déconnectées de notre culture et sous l'influence de la culture occidentale. Pourtant, notre engagement en faveur d'une société plus juste reste indispensable pour éliminer toutes les formes de violence à l'encontre des femmes et des filles.

Féminicide, viol, harcèlement, cyber harcèlement, agressions physiques, verbales et sexuelles, mariage précoce, exclusion sociale, précarité menstruelle... Ces formes de violence sont présentes au quotidien dans nos communautés.

En Afrique de l'Ouest, plus de 40% des femmes sont victimes de violences physiques et/ou sexuelles[1]. Ces violences sont si courantes qu'elles tendent à être normalisées par les femmes elles-mêmes. En Côte d'Ivoire, par exemple, 34% des femmes pensent qu'un mari a le droit de battre sa femme[2]. Cette proportion est de 30% au Burkina Faso et de 31% au Sénégal. En ce qui concerne les mariages forcés, on estime qu'une fille de moins de 18 ans est mariée de force toutes les deux secondes dans le monde[3].

Outre ces formes de violence, la précarité menstruelle est également un problème. On constate qu'environ 30% des femmes de moins de 35 ans sont touchées par la précarité menstruelle, c'est-à-dire qu'elles n'ont pas accès aux protections hygiéniques pour des raisons économiques. Le tabou culturel autour de la menstruation et le manque d'information accentuent cette précarité chez les femmes et les jeunes filles.

Dans nos pays, la capacité des femmes à prendre des décisions concernant leur corps, leur sexualité et leur santé reproductive reste extrêmement faible. En conséquence, la prévalence contraceptive reste très faible. En Côte d'Ivoire, par exemple, seules 21% des femmes ont accès à des outils contraceptifs.

Le manque d'information, la peur des effets secondaires, le pouvoir de décision des hommes, les interdits religieux et les contradictions socioculturelles empêchent les femmes d'avoir accès à ces outils vitaux pour leur santé. L'exclusion et la sous-représentation sont encore plus prononcées pour certains groupes de femmes, notamment celles qui vivent avec un handicap.

Dans le cadre de la campagne mondiale des 16 jours d'activisme contre la violence basée sur le genre, nous, Voix EssentiELLES, réaffirmons que la protection des droits des femmes et des filles est essentielle au développement durable, à la croissance économique, à la paix et à la sécurité. Nous appelons donc les gouvernements et les dirigeants africains à respecter leurs engagements à protéger leurs citoyens en éliminant toutes les formes d'inégalité et de discrimination à l'égard des femmes.

Sachant que l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes et des filles sont essentielles au développement durable, nous appelons les gouvernements et les dirigeants africains à garantir un environnement socio-juridique et institutionnel sûr pour que les femmes et les filles puissent vivre à l'abri des mutilations génitales féminines, des mariages précoces, du viol ou de toute autre forme de violence sexuelle, physique ou verbale.

Nous les encourageons à maintenir et à renforcer leurs efforts pour promouvoir une éducation de qualité, y compris l'éducation sexuelle, afin de renforcer l'estime de soi et de donner aux femmes et aux filles les moyens de défendre leurs droits et de prendre leur santé en main.

Rappelant la nécessité d'investir dans le leadership et l'autonomisation des femmes, nous appelons au développement et au soutien financier des organisations de femmes et de filles qui travaillent à amplifier la voix des femmes. Ces organisations sont essentielles pour créer les sociétés prospères que nous souhaitons.

Pour tirer parti de leur potentiel et optimiser leurs actions, nous invitons ces organisations de femmes et de filles, où qu'elles se trouvent, ainsi que toutes les organisations de la société civile engagées dans la protection des droits des femmes, à travailler ensemble, à unir leurs voix et leurs forces pour un monde plus juste auquel nous aspirons tous.

Abidjan, le10 décembre 2022


[1] Rapport sur la violence sexiste en Afrique

[2] Données de la Banque mondiale

[3] Le mariage précoce et forcé : qu'est-ce que c'est ? Plan International