Le COVID-19 nous démontre qu'en Afrique il est urgent de renforcer les systèmes de santé pour protéger les communautés

Avis - 15 mai 2020

Attribué à Yacine Djibo, fondatrice et directrice exécutive de Speak Up Africa

Le défi auquel l'Afrique est actuellement confrontée est double : freiner la propagation du COVID-19, tout en maintenant l'accès aux services de santé essentiels pour ceux qui souffrent d'autres maladies. Tandis que l'urgence d'une réponse immédiate au COVID-19 détourne l'attention des autres enjeux sanitaires, il est plus que jamais crucial de protéger nos services de santé et de veiller à ce que les progrès réalisés dans les domaines tels que le paludisme, la vaccination, les maladies tropicales négligées et un accès adéquat à l'assainissement ne soient pas compromis.

Aujourd'hui, nous avons beaucoup à faire pour ralentir le nombre d'infections et accélérer le dépistage du COVID-19, tout en maintenant l'accès aux services et traitements pour aider à protéger les citoyens des autres menaces sanitaires actuelles en Afrique. Les enjeux sont importants. Par exemple, le mois dernier, l'Organisation mondiale de la Santé a prévenu que l'impact du COVID-19 pourrait multiplier par deux le nombre de décès dus au paludisme rien que cette année si nous n'agissons pas rapidement et correctement pour protéger les programmes de lutte contre le paludisme sur le continent. En fin de compte, si nous sommes indécis et divisés dans notre réponse au coronavirus, nous risquons de réduire à néant des décennies de progrès en matière de santé sur le continent, car davantage de personnes souffriront inutilement de maladies évitables comme le paludisme.

Si le tableau est sombre, il y a de l'espoir pour la réponse africaine au COVID-19, et l'Union africaine, le CDC Afrique, des chefs d'État et des communautés à travers le continent ont déjà pris des initiatives remarquables et fait preuve d'un excellent leadership. En accélérant la formation des travailleurs de la santé, en augmentant l'accès aux traitements qui sauvent des vies, aux diagnostics rapides et aux mesures préventives, en améliorant les chaînes d'approvisionnement et la disponibilité de médicaments et d'équipements médicaux efficaces et en renforçant les capacités des laboratoires nationaux, nous nous mobilisons non seulement contre le COVID-19, mais nous continuons à faire des progrès incroyables pour débarrasser le continent de certaines de nos maladies les plus mortelles.

Nous devons maintenant mener une réponse ciblée et unifiée contre cette nouvelle menace, et nous appelons les gouvernements, les partenaires et les communautés à poursuivre la lutte contre le COVID-19, en agissant maintenant pour sauver des vies, en adhérant aux mesures préventives éprouvées, en protégeant nos travailleurs de la santé et en renforçant nos systèmes de santé. 

Mais la dynamique du continent n'est-elle pas différente ?

Le COVID-19 n'a épargné aucune région du monde, et bien que le continent africain soit lui aussi menacé par ce nouveau virus, ce qui exige une réponse rapide et agressive, la bonne nouvelle est que le nombre de cas et de décès sur notre continent est encore relativement faible par rapport au reste du monde. Cela dit, le nombre de personnes infectées continue d'augmenter, ce qui montre pourquoi il y a un grand besoin d'agir. Même si l'Afrique est le plus jeune continent du monde, les moins de 35 ans représentant 77 % de la population, plusieurs facteurs de risque font que le virus pourrait se propager rapidement entre les pays. Les fortes densités de population, la vie en communauté, les contacts fréquents et étroits entre les générations ainsi que l'accès limité à l'eau et aux installations de lavage des mains sont autant de facteurs qui augmentent la probabilité d'infections et de décès par le COVID-19.   

Que fait-on face à cette situation ?

À ce jour, les gouvernements, chefs d'État, organisations et communautés d'Afrique ont fait preuve d'une incroyable détermination dans la lutte contre le COVID-19, en s'attaquant à ce nouveau virus en mettant en place une série de mesures. La Banque africaine de développement (BAD) a mobilisé 3 milliards de dollars en obligations sur trois ans pour aider à atténuer l'impact économique et social de la pandémie de COVID-19 sur les moyens de subsistance et les économies africaines, tandis que l'Union africaine et le CDC Afrique ont mis en place un Fonds d'intervention COVID-19 avec un total combiné de 61,5 millions de dollars d'annonces de contributions à ce jour au niveau du continent. Le Bureau régional de l'OMS pour l'Afrique (OMS AFRO) a également intensifié ses efforts de préparation sur le continent en fournissant entre autres des kits de dépistage COVID-19 aux pays, en formant des agents sanitaires et en renforçant la surveillance dans les communautés. Quarante-sept pays de la région Afrique de l'OMS peuvent désormais faire le test COVID-19, contre deux au début de la crise. L'OMS a également publié des directives à l'intention des pays et les aide à utiliser les outils de données électroniques, afin que les autorités sanitaires nationales puissent mieux comprendre l'épidémie dans leur pays. Le secteur privé joue également un rôle, par exemple le groupe Ecobank a contribué à hauteur d'environ 3 millions de dollars à la lutte contre le COVID-19 sur le continent, principalement sous forme d'équipements et de fournitures sanitaires. Ce sont toutes d'excellentes initiatives dont nous devrions nous réjouir. Cependant, il est plus important que nous les soutenions d'abord, car elles ne serviront à rien si les gens n'adhèrent pas aussi aux directives sociales et comportementales en place.

Certains pays proposent également leurs propres solutions, par exemple la Côte d'Ivoire et le Ghana ont annoncé respectivement une contribution de 200 millions de dollars et de 100 millions de dollars pour améliorer leurs plans de préparation et de réponse. Entre autres interventions économiques au niveau des pays on peut citer la mise en place, par la Banque centrale du Kenya, de mesures d'urgence pour soulager les emprunteurs dont les remboursements sont arrivés à échéance, et la réduction des taux d'intérêt de la part de la Banque de réserve sud-africaine. Le COVID-19 nous concerne tous, c'est un fait indéniable. C'est pourquoi il est également essentiel de faire preuve de compassion et de soutenir nos concitoyens africains. Nous devons tous faire ce que nous pouvons.

C'est pourquoi, en tant qu'organisation stratégique de communication et de plaidoyer à but non lucratif basée au Sénégal, Speak Up Africa a décidé de lancer la campagne panafricaine "Restons Prudents"(Stay Safe Africa en anglais) une plateforme collective visant à aider des organisations à travers l'Afrique à sensibiliser le public aux mesures de santé préventives, à réduire la circulation de la mésinformation et à encourager les communautés et les individus à prendre les mesures appropriées pour arrêter la propagation du COVID-19 tout en garantissant l'accès aux services et les traitements contre les autres menaces sanitaires actuelles. En tant que menace immédiate pour l'ensemble de l'Afrique, il était essentiel que les efforts contre COVID-19 soient coordonnés, afin d'unir les organisations, d'éviter les retards dans la mise en œuvre de réponses efficaces, d'unifier les messages et, bien sûr, de protéger autant de vies que possible.

Nous devons tous être proactifs pour arrêter la propagation du COVID-19, car ce n'est que grâce à une approche cohésive et cohérente que l'Afrique pourra remédier à l'inégalité d'accès aux outils et aux services sur le continent, tout en protégeant nos citoyens des menaces existantes et émergentes. L'union fait la force, c'est pourquoi notre campagne Stay Safe Africa réunit des partenaires, des journalistes, des organisations de la société civile, des entreprises du secteur privé et des dirigeants nationaux et locaux pour œuvrer à la réalisation de notre objectif commun. Nous invitons tous les membres de la société à s'impliquer, car chacun d'entre nous peut jouer un rôle important dans le ralentissement de la propagation du COVID-19. Augmenter les investissements et la sensibilisation du public, parallèlement à la distanciation sociale, nous permettra de protéger nos nations contre cette nouvelle menace.

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