Comment le secteur privé africain peut-il contribuer à l'éradication du paludisme en Afrique ?

Comment le secteur privé africain peut-il contribuer à l'éradication du paludisme en Afrique ?

À l'approche de la Journée mondiale du moustique, Yacine Djibo, fondateur et directeur exécutif de Speak Up Africa, s'est entretenu avec Carl Manlan, directeur de l'exploitation de la Fondation Ecobank, pour discuter du rôle que le secteur privé peut jouer dans la lutte contre le paludisme.

Tout d'abord, Carl, félicitations pour le lancement de l'initiative Zero Malaria Business le mois dernier. Pouvez-vous nous dire ce qui a poussé Ecobank à soutenir cette cause ?

Ecobank comprend le pouvoir des partenariats pour résoudre les problèmes africains. Nous nous appuyons sur nos investissements dans les petites et moyennes entreprises (PME) africaines pour évaluer la meilleure façon de tirer parti de notre plateforme pour l'élimination du paludisme. Nous avons trouvé en Speak Up Africa un partenaire de choix pour faire avancer un partenariat public-privé visant à mettre fin au paludisme en Afrique, en commençant par trois pays. Le paludisme est un ennemi de longue date de notre continent, responsable de plus de 400 000 décès rien qu'en 2018, mais il est possible de l'éliminer. COVID-19 représente une nouvelle occasion de considérer la santé comme une question économique.

D'un point de vue commercial, nous travaillons avec des millions de citoyens à travers l'Afrique. Nous nous intéressons aux PME qui créent et maintiennent des emplois. Et nous pensons que les PDG de PME ont un double rôle à jouer au sein de leur communauté, puisqu'il s'agit notamment de faire entendre leur voix dans la lutte contre le paludisme. L'initiative "Zero Malaria Business" vise donc à encourager l'engagement du secteur privé dans la lutte contre le paludisme, en plaidant pour une volonté politique plus forte, un financement plus important et des mesures d'élimination mieux coordonnées et mieux dirigées.

Il s'agit d'une initiative très intéressante. Quelqu'un peut-il y participer ? En quoi cela contribue-t-il à l'ambition plus large du continent d'éradiquer le paludisme ? 

La nouvelle initiative commerciale "Zéro paludisme" est un pilier important du mouvement " Zéro paludisme, ça commence par moi " de l'Union africaine et du partenariat RBM pour la lutte contre le paludisme. Ce mouvement panafricain a été lancé il y a plus de deux ans et vise à impliquer les communautés dans la lutte contre le paludisme, en leur donnant les moyens de s'approprier les actions locales et d'élaborer des réponses adaptées à leurs propres communautés.

Notre nouvelle initiative se veut la voix du secteur privé africain, et toutes les entreprises peuvent y participer. Nous encourageons les entreprises de toutes formes et de toutes tailles à nous rejoindre et à utiliser leur position pour aider des millions de personnes à travers l'Afrique. Nous ne pouvons certainement pas gagner ce combat seuls, et chaque contribution a un impact sur la réalisation de notre objectif d'élimination du paludisme.

Pensez-vous que le secteur privé a un rôle et une responsabilité à jouer dans l'élimination du paludisme ?

Absolument. L'influence et les compétences que le secteur privé florissant de l'Afrique peut mettre au service d'un changement positif sont immenses. Si nous travaillons tous ensemble pour influencer la politique et augmenter le financement, nous pouvons sans aucun doute influencer un changement considérable dans les cas de paludisme et les décès.

Le continent a certainement beaucoup à gagner s'il parvient à éliminer cette terrible maladie. Qu'est-ce que les entreprises et les organisations du secteur privé ont spécifiquement à gagner de l'élimination du paludisme ?

La santé et l'économie sont interdépendantes. Nous ne pouvons pas réaliser des progrès économiques si les gens ne sont pas en bonne santé. Le paludisme continue d'éroder le progrès économique. Il est donc logique, pour les entreprises et les collectivités, de limiter les dépenses engagées pour traiter une maladie évitable et guérissable. Cela démontre également la capacité des entreprises à soutenir les efforts du gouvernement et de la société civile pour sauver des vies. Le coût économique du paludisme est bien documenté. Cette initiative veut en faire une occasion pour les chefs d'entreprise d'agir maintenant pour que demain, nous n'ayons plus de moustiques nuisibles.

Quels sont les obstacles auxquels le continent est confronté pour atteindre cet objectif ?

Malgré les progrès incroyables réalisés dans la lutte contre le paludisme et l'engagement des gouvernements, des organisations du secteur privé et des communautés du monde entier, la réalité est que nous ne pouvons pas vaincre le moustique avec les outils ou les niveaux de financement dont nous disposons actuellement. Un financement supplémentaire annuel de 2 milliards de dollars à l'échelle mondiale est nécessaire de toute urgence si nous voulons être en mesure d'atteindre toutes les personnes exposées au risque de contracter le paludisme, en particulier les femmes enceintes et les enfants de moins de 5 ans. Bien que cette somme semble énorme, elle représente moins de 2 dollars par Africain et par an pour réunir les ressources nécessaires à l'éradication définitive de la maladie.

Enfin, alors que le monde se bat contre le COVID-19, pourquoi est-il si important de continuer à se concentrer sur d'autres maladies telles que le paludisme ?

La communauté mondiale de la santé, de concert avec les communautés locales, a réalisé des progrès incroyables dans la lutte contre le paludisme. COVID-19 est un catalyseur de la santé en tant que moteur de la transformation économique. Les mesures qu'il impose pour préserver la vie plaident en faveur de meilleures PME en Afrique. Les emplois décents restent l'un des meilleurs remèdes pour éliminer les maladies. Ainsi, cette initiative s'appuie sur le soutien d'Ecobank aux PME tout en offrant aux chefs d'entreprise une plateforme pour mettre en commun leurs ressources afin d'avoir un impact. Le miracle viendra d'une bonne prévention, comme la distribution de moustiquaires imprégnées et d'autres outils essentiels de prévention et de traitement du paludisme, car les moustiques n'obéissent pas aux règles de distanciation physique en période de COVID-19. L'Organisation mondiale de la santé a souligné que la pandémie actuelle pourrait doubler le nombre de décès dus au paludisme rien que cette année. Nous ne pouvons pas laisser cela se produire et il est essentiel que nous travaillions ensemble pour continuer à protéger les communautés du continent contre le paludisme.