Le deuxième maire adjoint de la ville de Yamoussoukro invite les États à concevoir un cadre institutionnel clair qui habilite les maires à être des acteurs actifs dans l’assainissement non-sewered

01 avril 2019

Les collectivités locales africaines sont résolument engagées à jouer pleinement leur rôle dans l'accès universel à l'assainissement de leurs populations. C'est à l'image de Yamoussoukro, une ville ivoirienne qui se distingue par des initiatives en ce sens. Son maire, M. Yaoura Konan - interviewé en marge de la Conférence internationale sur l'assainissement, AfricaSan5 et FSM5 qui s'est tenue à Cape Town (Afrique du Sud) - plaide pour une implication totale des maires dans la définition et la mise en œuvre de stratégies d'assainissement équitable. Sur cette même lancée, M. Konan invite les Etats à concevoir un cadre institutionnel clair permettant aux maires d'être des acteurs actifs de l'assainissement sans égout. Il souhaite également l'élaboration de mécanismes financiers pour permettre aux plus démunis d'avoir accès à des toilettes adéquates.

Monsieur le Maire adjoint, 30 collectivités locales africaines ont réaffirmé leur engagement dans la conception et la mise en œuvre de stratégies d'assainissement équitables en faveur de leurs administrés. Quel bilan faites-vous de cette action menée dans le cadre d'AfricaSan5 qui s'est tenu au Cap ?

L’action adoptée est très positive car elle donne l’occasion aux maires d’échanger sur les meilleures pratiques en matière d’assainissement. Une fois ces forces jointes, elle facilite la prise de mesures supplémentaires, car les acteurs auront la même vision et se soutiennent mutuellement par une collaboration Sud-Sud.

Pourriez-vous donner un aperçu de ce à quoi ressembleront ces stratégies d'assainissement équitables ?

Pour qu'une stratégie d'assainissement soit équitable, les maires doivent d'abord être pleinement impliqués. Ce sont eux qui vivent aux côtés des populations et ils sont les premiers à ressentir ce qui se passe dans leur vie quotidienne. Ensuite, chaque pays doit concevoir une politique sur mesure adaptée à leurs communautés respectives. Les maires sont les mieux placés pour évaluer et établir les meilleures politiques pour leurs administrés.
À mon avis, la stratégie doit être basée sur la chaîne de valeur de l'assainissement. Nous devons absolument aborder les questions suivantes : ce qu'il faut faire pour que les ménages aient accès à des toilettes adéquates, ce qu'il faut faire pour que la collecte soit correctement exploitée, comment rendre le transport efficace et enfin comment traiter adéquatement les boues fécales. Puisque les maires se joindront à un réseau, ils seront en mesure de discuter et d'identifier les meilleures stratégies et les méthodes les plus adéquates.

Le rôle des maires est reconnu comme étant primordial dans la résolution des problèmes d'assainissement. Comment réussir là où les Etats ont presque échoué, surtout en sachant que les communautés locales ont des ressources limitées ?

Tant au niveau des États que des collectivités locales, les ressources suffisantes posent problème. Mais pour surmonter ce défi, il faudrait une forte coopération avec les agences de financement, les fondations telles que la Bill et Melinda Gates, et aussi associer les ONG telles que Speak Up Africa pour alerter les donateurs sur la situation.
L'Afrique ne dispose pas de ressources suffisantes, mais dans le cadre de l'ODD 6.2, la communauté internationale doit soutenir l'Afrique. Les opportunités ne manquent pas et il y a des fonds, des budgets disponibles et nous devons agir en tant que groupe et présenter des programmes avec des objectifs clairement définis.
Nous pensons qu'après cette rencontre avec les maires, le Réseau des Autorités Locales Francophones qui est pleinement engagé dans l'assainissement sans égout et le Réseau des Maires Anglophones devraient établir des partenariats pour partager leurs expériences respectives. La convergence des dimensions entre les deux réseaux renforcera les maires.
En fait, le problème se situe au niveau du cadre institutionnel. Actuellement, les maires sont en charge de l'assainissement, mais la définition claire et effective de leurs pouvoirs ou des actions qu'ils peuvent entreprendre n'est pas concrète. Il faudrait définir un cadre institutionnel qui permette aux maires d'être des acteurs actifs de l'assainissement sans égout.

Actuellement, comment la question de l'assainissement est-elle gérée dans votre ville ?

Yamoussoukro a beaucoup de chance. Elle a été choisie comme ville pilote du Programme de renforcement des capacités des opérateurs africains de l'assainissement non collectif et de la gestion des boues fécales (RASOP-Afrique). Ce programme a permis à la ville de Yamoussoukro de faire un état des lieux de la situation et de concevoir un plan d'amélioration des performances.
A partir de là, nous avons conçu une politique et une stratégie d'assainissement sans égout. Ceci nous a permis de répondre à Speak Up Africa. Aujourd'hui, nous avons commencé une phase qui consiste à fournir des toilettes aux ménages. Dans cette même phase, deux types de toilettes ont également été construits pour le système scolaire.
Nous pensons qu'un mécanisme financier devrait être conçu pour permettre aux moins fortunés d'avoir des toilettes. Une politique de sensibilisation devrait être mise en place pour sensibiliser les gens sur les conséquences de laisser les eaux usées couler librement, ils doivent savoir que cela les expose à toutes sortes de maladies. Nous avons procédé à des inspections pour que la collecte se fasse en trois phases : sur demande, sur incitation et sur inspection.
Nous comptons beaucoup sur Speak Up Africa et la Fondation Bill et Melinda Gates pour la mise en place de cette politique. Nous avons commencé la première phase. Il reste la deuxième phase car le Programme RASOP a favorisé l'environnement qui a incité l'Office National d'Assainissement et de Drainage (ONAD) à prévoir la construction d'une station de traitement des boues fécales.
En outre, les autres composantes de la chaîne de valeur de l'assainissement, à savoir le transport et la collecte, doivent être améliorées. A cet égard, il faut renforcer les capacités des vidangeurs, notamment en termes de qualité de service.

Existe-t-il une véritable volonté politique qui pourrait permettre aux autorités des collectivités locales de jouer pleinement leur rôle dans la gestion durable de l'assainissement ?

En matière d'assainissement, le cadre législatif et réglementaire doit être clairement défini. Les autorités locales ont le devoir et la nécessité de s'impliquer dans la gestion de l'assainissement. Cependant, nous sommes limités, nous ne pouvons pas agir sans une législation claire. La législation doit clairement stipuler que l'État est le maître d'ouvrage, et que les collectivités locales sont les entités gestionnaires.
Ce modèle a été appliqué dans le secteur de l'énergie avec la société Ivory Coast Energy qui est le maître d'ouvrage dans la mise en œuvre des projets dans ce même secteur.
Le même schéma devrait être reproduit avec l'ONAD (Office National d'Assainissement et de Drainage) qui sera le maître d'ouvrage désigné et les collectivités locales joueront un rôle de gestion. Ceci est d'autant plus pertinent que l'ONAD ne dispose pas d'organes représentatifs désignés dans les régions, laissant un vide à combler par la délégation de pouvoir.

Quelle est la place que vous accordez à la sensibilisation et à l'éducation à l'hygiène et à l'assainissement pour générer un changement de comportement chez les populations ?

Force est de constater que les pays africains ont le savoir-faire mais manquent de compétences comportementales pour se développer. Ce qui n'est pas spécifique à l'assainissement uniquement.
C'est pourquoi, la partie sensibilisation et formation doit être renforcée dans nos programmes. Nos communautés n'ont pas les compétences pour cela, et nous comptons sur les ONG pour nous appuyer dans la sensibilisation des populations.
Pourquoi ne pas penser à créer des institutions de formation à l'assainissement et à l'hygiène. Je sais que dans le cadre du MCC, il y a une composante pour cela, mais il faut créer une école dédiée aux métiers de l'assainissement. En Côte d'Ivoire, le MCC, l'Association africaine de l'eau (AAE) et d'autres organisations travaillent dans ce sens.

Suite à AfricaSan5/FSM5, les acteurs de l'assainissement ont décidé de passer à des actions concrètes dans les 12 prochains mois. Selon vous, quels seront les principaux défis que les autorités locales devront relever afin de jouer au mieux leur rôle dans le processus de réalisation de l'ODD 6.2 ?

Il s'agit d'abord de l'harmonisation du cadre de vie en fonction du cadre institutionnel de chaque Etat. Ainsi, les maires doivent être impliqués car ils sont les plus proches des populations. Les organisations doivent également accepter d'appuyer les communautés locales sur des projets précis.
Les populations elles-mêmes doivent être engagées et motivées à jouer leur rôle à l'aide de la formation, de l'information et de la sensibilisation afin que l'assainissement inclusif devienne une réalité pour tous.

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