Par Yacine Djibo, directeur exécutif, Speak Up Africa
Cet article a été initialement publié sur Africa.com le 09 juin 2025.
Pendant des décennies, les donateurs mondiaux et les institutions de développement ont façonné le programme d'élimination des MTN. Aujourd'hui, cette dynamique est en train de changer. Sur tout le continent, les dirigeants africains, les communautés et les défenseurs des droits de l'homme déploient des efforts audacieux et locaux pour mettre un terme à ces maladies.
L'Afrique porte 40 % du fardeau mondial des MTN, un groupe de 20 maladies infectieuses qui se développent dans des zones où l'assainissement est insuffisant, l'eau insalubre et l'accès aux soins de santé limité. Ces mêmes régions sont aujourd'hui de plus en plus exposées aux effets du changement climatique, la hausse des températures et la fréquence accrue des phénomènes météorologiques extrêmes augmentant le risque de transmission. Il ne s'agit pas d'un problème de santé isolé. Il s'agit d'une crise convergente qui touche à la fois la santé, le climat et le développement.
Les MTN causent des souffrances considérables. Elles entraînent des handicaps physiques et cognitifs, une stigmatisation sociale et des pertes économiques. Le trachome reste la première cause infectieuse de cécité dans le monde. La schistosomiase peut provoquer des maladies génitales féminines et la stérilité. Ces maladies renforcent les cycles de pauvreté, en particulier pour les femmes et les enfants.
Malgré ces défis, des signes de progrès significatifs sont perceptibles. Dans plusieurs pays, les gouvernements commencent à donner la priorité aux MTN et les efforts menés par les communautés gagnent en visibilité. Si le leadership local n'est pas encore la norme partout, il se renforce et s'organise de plus en plus. L'évolution vers une plus grande appropriation nationale est en cours, même s'il reste beaucoup à faire pour la soutenir et l'étendre.
Une nouvelle génération de champions est en train d'émerger. Il s'agit de défenseurs des droits des femmes, de jeunes leaders, de médecins, de journalistes, d'athlètes et d'artistes. Leurs voix contribuent à modifier le discours sur les MTN en plaçant l'expérience vécue et le leadership communautaire au centre des stratégies de réponse.
À Speak Up Africa, nous pensons qu'un changement significatif doit venir de l'intérieur. En collaboration avec la Children's Investment Fund Foundation (CIFF), nous avons investi dans l'autonomisation de ces champions afin qu'ils influencent les politiques, mobilisent des ressources et construisent des mouvements nationaux durables pour éliminer les MTN.
Un leadership local pour un impact local
Au Burkina Faso, en Éthiopie, au Kenya et au Sénégal, les réseaux de champions nationaux soutenus par Speak Up Africa et le CIFF démontrent la valeur d'un plaidoyer mené au niveau local. Composés de jeunes leaders, de parlementaires, de journalistes, d'artistes, de professionnels de la santé et de personnalités du secteur privé, ces champions contribuent à inscrire les maladies tropicales négligées à l'ordre du jour des pays.
Au Sénégal, les champions ont travaillé avec les parlementaires pour mettre en avant les MTN dans les discussions législatives. Au Burkina Faso, l'engagement public du ministre de la santé d'augmenter le financement national a marqué une étape importante. En Éthiopie, les champions ont contribué à l'organisation d'un symposium national de recherche et se sont associés aux équipes de communication du gouvernement pour amplifier les messages publics. Au Kenya, les jeunes défenseurs ont relancé le réseau Kenya Youth Against NTDs et ont engagé les responsables des comtés à faire progresser le dialogue politique et l'investissement local.
Des communications stratégiques ont amplifié leur influence. Plus de 20 déclarations publiques ont été publiées, et une action coordonnée auprès des médias, comprenant une couverture télévisée nationale et des articles publiés, a permis de toucher plus de 40 000 personnes. Ensemble, ces activités contribuent à modifier à la fois la perception et la politique.
L'engagement des jeunes a donné une nouvelle énergie au mouvement. Au Kenya, la Coupe du monde des MTN a utilisé le football pour promouvoir l'éducation à la santé et la sensibilisation des communautés, avec le soutien du secrétaire d'État à la santé. Au Sénégal, un partenariat avec la Basketball Africa League (BAL) a conduit au lancement du Young NTD Champions Club, une plateforme qui permet à de jeunes athlètes d'assumer des rôles de leadership dans le domaine du plaidoyer.
Ces exemples sont plus que des réussites isolées. Ils signalent une évolution plus large vers une appropriation nationale, où les champions locaux créent un élan qui peut durer plus longtemps qu'une seule campagne.
Pourquoi nous avons besoin d'une action locale
Les MTN peuvent être qualifiées de "négligées", mais notre réponse ne doit jamais l'être. Les progrès que nous réalisons prouvent qu'avec les voix, les structures et le soutien adéquats, l'élimination est à portée de main. Mais nous devons maintenir le cap et accélérer.
Il faut que les budgets nationaux de santé allouent et protègent de manière cohérente le financement des interventions liées aux MTN, y compris l'administration massive de médicaments, les services d'aide aux personnes handicapées et la lutte contre les vecteurs. Nous devons veiller à ce que les MTN soient intégrées dans les plans d'adaptation au climat, en particulier dans les infrastructures de protection de l'eau et d'assainissement. Au niveau régional, les politiques d'approvisionnement doivent être harmonisées afin que les médicaments et les diagnostics puissent être acheminés rapidement là où ils sont nécessaires. Enfin, les partenariats public-privé doivent devenir la pierre angulaire de nos stratégies de renforcement de l'impact.
Nos champions, courageux, engagés et profondément liés à leurs communautés, sont au cœur de ce mouvement. Leurs histoires font évoluer les perceptions. Leurs actions font bouger les ressources. Et leur leadership redéfinit ce qui est possible.
Ensemble, nous éliminerons les MTN en Afrique.