Financement de la santé, un impératif pour accélérer l’action vers la couverture universelle en santé
Cotonou, 10 au 12 juillet 2025, la Fédération Ouest-Africaine du Secteur Privé de la Santé (FOASPS), en partenariat avec la Plateforme du Secteur Privé Sanitaire (PSSP) du Bénin, a initié, la première conférence de haut niveau sur le financement de la santé avec l’appui des partenaires essentiels : l’organisation ouest africaine de la santé (OOAS), l’Organisation mondiale de la santé (OMS), PSI/ABMS et Speak Up Africa régional.
Placée sous le thème « Construire des systèmes de santé résilients : s’appuyer sur les partenariats public-privé pour un financement durable de la santé », la conférence s’est tenue au Palais des Congrès a rassemblé durant deux jours, plus de 200 décideurs politiques, représentants d’institutions régionales et internationales, parlementaires, cadres de l’administration publique, représentants de chambres consulaires et patronales, leaders du secteur privé sanitaire et non sanitaire, acteurs de la société civile et chercheurs, venus de toute la région, autour de discussions passionnantes, de débats engageants, panels thématiques enrichissants et expositions remarquables.
Repenser le financement de la santé, un quart de siècle après la déclaration d’Abuja.
Seuls 5 % des pays africains respectent l’engagement d’Abuja de consacrer 15 % du budget à la santé, selon les données de l’Organisation mondiale de la santé, pendant que 44% des ménages contribuent au financement de leur propre santé.
Dr Hugues Tchibozo, Représentant du Directeur général de l’Organisation Ouest-Africaine de la Santé (OOAS), alerte sur la baisse des financements extérieurs. « Nous devons renforcer la gouvernance locale, repenser les modèles de financement et adapter les cadres réglementaires aux enjeux actuels». Souligna t-il.».
Dr Joseph Boguifo, Président de la Fédération Ouest-Africaine du Secteur Privé de la Santé (FOASPS), a rappelé que dans plusieurs pays, le secteur sanitaire privé assure jusqu’à 60 % des soins et investit massivement dans l’innovation, la formation, la pharmaceutique, puis contribue fortement à travers la fiscalité au financement globale des dépenses publiques. « Le secteur privé n’est pas un concurrent de l’État, mais un partenaire enraciné dans les territoires, proche des besoins réels des populations », a-t-il martelé.
Le secteur privé moteur de transformation
Le point d’orgue des débats a été le panel 6, consacré à la lutte contre le paludisme, sous le thème évocateur : « Financements innovants et partenariats public-privé, des piliers essentiels pour parvenir à son élimination ».
Modéré par Franz Okey, Conseiller régional à Speak Up Africa, le panel s’est ouvert sur un constat préoccupant : « Chaque minute, un enfant meurt du paludisme. Et chaque année, ce sont 4,3 milliards de jours de travail et plus d’un milliard et demi de jours d’école qui sont perdus », a-t-il rappelé. Des chiffres lourds de conséquences pour les économies africaines. Selon l’OMS, 42 milliards de dollars pourraient être économisés d’ici 2030 si la lutte contre le paludisme était pleinement financée.
Mais cette ambition est fragilisée par un contexte de baisse des financements. « Le retrait progressif de certains bailleurs, comme l’USAID, et l’ajustement des dépenses du Fonds mondial dans plusieurs pays de la région sont des signaux d’alerte », a prévenu Franz Okey. À l’approche de la prochaine reconstitution du Fonds mondial, où 18 milliards de dollars sont attendus, des incertitudes planent.
Constant NAHUM, Coordonnateur du Caucus parlementaire pour l’élimination du paludisme, a pour sa part mis en avant certains actes majeurs. ‘’Il y a la création du caucus parlementaire dotée d’un plan triennal 2025-2028 assorti de son règlement intérieur, qui marque une nouvelle étape’’. a-t-il fait savoir. L’objectif est de mobiliser davantage de ressources internes après les bonts budgétaires significatifs enregistrés ces trois dernières années. Le caucus va initier des partenariats bilatéraux, notamment avec la Chine et intégrer durablement la lutte contre le paludisme dans les politiques et lois budgétaires nationales, ajouta t-il.
De son côté, Dr Annabelle Ekué, Directrice de la Pharmacie Camp Guézo et championne de lutte contre le paludisme, s’est attardée sur ce qu’induit le paludisme dans la productivité des entreprises. ‘’Chaque salarié touché s’absente en moyenne 15 jours par an, soit une perte directe de productivité estimée à 12 milliards de dollars par an’’. En plus de représenter la première cause de consultation dans les hôpitaux, il est également la première cause d’absence dans les entreprises. « Le poids du paludisme est lourd », a-t-elle insisté.
Le coordonnateur national du PNLP, Dr Codjo Dandonougbo a abondé dans le même sens que ses co-panélistes. Chez les enfants de moins de 5 ans, le paludisme représente encore 33 % des admissions en consultation, 31 % des hospitalisations et 21 % des décès. « Cela équivaut à un décès d’enfant toutes les quatre heures au Bénin », informa t-il. Il note tout de même qu’il y a une avancée notable dans la lutte contre cette maladie au Bénin. Il mentionne l’introduction du vaccin contre le palu qui place le Bénin sur une bonne liste. On se rend compte que le nombre de pays qui enregistrent un fort taux de paludisme ne cesse de s'accroître, selon lui. Le vaccin RTS’S est une avancée notable, à en croire ce professionnel de la santé.
Les panélistes ont salué la création du Fonds Zéro Palu, soutenu par le ministère de la Santé, comme une plateforme de financement innovante et inclusive. Ils ont formulé des recommandations intelligentes pour accélérer la marche vers l’élimination de la maladie, en soulignant l’importance de la mobilisation du secteur privé en zones rurales, des innovations technologiques, et d’un meilleur partage des données entre acteurs.
Un nouveau pacte régional pour les systèmes sanitaires résilientes
La conférence de Cotonou a été un véritable catalyseur de réflexion collective autour des enjeux critiques du financement de la santé en Afrique. Elle a réuni des acteurs engagés qui ont confronté les défis persistants, notamment les conséquences des coupes budgétaires et du retrait progressif de bailleurs comme l’USAID. Ensemble, ils ont exploré des solutions concrètes et partagé des pratiques inspirantes pour renforcer la résilience face aux chocs financiers. Les échanges ont mis en lumière des leviers essentiels tels que la fiscalité sociale, la taxe santé, le recours aux prêts bancaires, le développement de la médecine de groupe, l’adoption d’une loi spécifique sur le partenariat public-privé en santé, ou encore la mise en place d’un fonds d’investissement dédié. L’importance d’une approche intersectorielle et multisectorielle a également été soulignée comme incontournable pour bâtir un financement durable et équitable de la santé sur le continent.
A la clôture des travaux, le Dr Latif Mousse, Président de la PSSP, a exprimé sa satisfaction face à la réalisation de ce « rêve » longtemps porté par les acteurs du secteur privé. « Nous avons jeté les bases pour reconnaître le secteur privé de santé comme un secteur hautement social et plus ou moins commercial… », a-t-il affirmé. « Ce n’est pas seulement du financement du secteur privé dont il s’agit, mais bien de faire de ce pilier un levier essentiel pour atteindre la couverture sanitaire universelle », a-t-il ajouté.
Dr Lamidhi Salami, Président du Conseil national des soins de santé primaire et représentant le Ministre de la santé, a assuré que le ministère de la Santé jouera pleinement sa partition pour mettre en œuvre les engagements contenus dans la Déclaration de Cotonou, adoptée à l’issue des travaux. Cette déclaration marque un tournant stratégique pour le financement et la gouvernance du système de santé au Bénin et en Afrique.
Les engagements formulés s’inscrivent dans une logique de résilience, de co-construction et de justice sociale. Le pari est désormais lancé : transformer les paroles fortes de Cotonou en actions concrètes pour les mères, les enfants et l’ensemble de la population béninoise.
La première Conférence de haut niveau sur le Financement de la santé en Afrique a marqué un tournant stratégique. Un consensus fort s’est dégagé : celui de faire du dialogue public-privé un cadre institutionnalisé et durable, d’assurer une équité réelle dans l’accès aux soins, et de repositionner le financement de la santé comme un levier essentiel du développement humain.
Le message est clair : la santé n’est pas une charge, mais un investissement structurant pour l’avenir du continent. Dans cette dynamique, le secteur privé n’est plus en marge — il devient un partenaire clé pour co-construire des systèmes de santé solides, inclusifs et résilients.