Publié précédemment sur Africa.com le 24 février 2025
Par Fara Ndiaye, Directrice Exécutive Adjointe, Speak Up Africa
Le récent Congrès de l’Association Africaine de l’Eau et de l’Assainissement (AAEA) à Kampala a réuni plus de 2 000 acteurs venus de tout le continent. Bien que ces rencontres soient essentielles, elles mettent en lumière une vérité difficile : l’Afrique n’a pas besoin de plus de conférences sur l’eau et l’assainissement elle a besoin d’actions coordonnées pour honorer ses engagements existants.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Environ 418 millions d’Africains n’ont pas accès à une eau potable sûre, et 779 millions ne disposent toujours pas d’un assainissement de base. Selon l’UNICEF, si les tendances actuelles se poursuivent, très peu d’États membres de l’Union Africaine atteindront l’accès universel à l’eau potable, à l’assainissement et aux services d’hygiène d’ici 2030. Avec seulement cinq ans pour atteindre les Objectifs de Développement Durable (ODD), nous devons aller au-delà des discussions et passer à des progrès concrets.
Le changement climatique exerce une pression croissante sur les ressources en eau, provoquant sécheresses, inondations et intrusion d’eau salée. Les conflits régionaux endommagent les infrastructures et déplacent des millions de personnes, laissant de nombreux camps de réfugiés sans accès fiable à l’eau et à l’assainissement. Par ailleurs, la réduction du financement limite la capacité des gouvernements à développer et entretenir les services essentiels.
Pourtant, ce que nous avons observé à Kampala montre qu’il est possible de surmonter ces défis, non pas par de grandes déclarations, mais par une collaboration pragmatique qui dépasse les frontières traditionnelles. Une initiative régionale a vu le jour : les Directions de l’Assainissement du Sénégal, de la Côte d’Ivoire et du Burkina Faso ont lancé une plateforme commune pour partager les connaissances, harmoniser leur vision et coordonner leurs plans d’action. Cette approche illustre la manière dont la coopération régionale peut accélérer les progrès vers l’ODD 6 en mettant en place des solutions adaptées aux défis spécifiques de l’Afrique de l’Ouest. Le Congrès a également souligné l’importance de la collaboration intergénérationnelle. Les jeunes professionnels révolutionnent l’accès aux services grâce à des systèmes de paiement mobile et des outils de suivi en temps réel, tandis que les experts chevronnés apportent une précieuse expertise sur les dynamiques communautaires et la maintenance des infrastructures. Les approches traditionnelles, bien que basées sur des décennies d’expérience, ont parfois du mal à intégrer de nouvelles technologies et modèles de services. De leur côté, les jeunes professionnels, bien qu’innovants, manquent souvent de connaissances institutionnelles pour instaurer un changement durable. Lorsque ces visions se rejoignent, elles créent des solutions innovantes mais ancrées dans la réalité.
Pour garantir un accès universel à l’eau et à l’assainissement, il est essentiel que les gouvernements adoptent une planification des infrastructures intégrée, en mettant en place des solutions holistiques et inclusives qui priorisent les populations vulnérables. Renforcer la gestion des ressources grâce à la recherche scientifique et à la coopération transfrontalière. Créer des mécanismes de financement innovants, en combinant fonds publics, investissements privés et aide au développement. Mettre en place une gouvernance efficace, incluant formation technique et suivi communautaire, afin de garantir des améliorations concrètes et durables.
Briser les silos et repenser l’engagement communautaire. Les défis liés à l’eau et à l’assainissement ne s’arrêtent pas aux frontières administratives – nos solutions ne devraient pas non plus. Des plateformes permanentes de partage des connaissances et des programmes de mentorat institutionnalisés peuvent aider à combler le fossé entre les experts et les nouvelles générations de professionnels du secteur.
L’engagement communautaire doit également être repensé. Les projets réussis montrent que lorsque les communautés sont impliquées dans la conception et la gestion des services d’eau et d’assainissement, les solutions sont plus durables.
Enfin, nous devons innover dans les mécanismes de financement. L’écart de financement pour l’eau et l’assainissement en Afrique est trop important pour être comblé par une seule source. Seules des solutions financières créatives, couplées à une gouvernance améliorée et une transparence accrue, permettront d’étendre les initiatives efficaces.
L’avenir exige à la fois ambition et pragmatisme. Nous devons nous concentrer sur ce qui fonctionne, apprendre des échecs et renforcer les modèles éprouvés au lieu de réinventer constamment la roue. De la gouvernance renforcée aux infrastructures résilientes face au climat, les outils pour transformer le secteur sont déjà à notre disposition. Ce qu’il faut maintenant, c’est une volonté politique et une action coordonnée pour les mettre en œuvre de manière efficace.
L’heure n’est plus au dialogue sans fin. Il est temps d’agir. Nos communautés ont besoin d’eau potable et d’un assainissement digne aujourd’hui, pas de nouvelles promesses pour demain. Grâce à une collaboration ciblée et une action soutenue, nous pouvons transformer les engagements en réalité et bâtir un avenir où l’eau est accessible et sécurisée pour tous les Africains. Ce n’est pas seulement un objectif , c’est un impératif que nous ne pouvons plus nous permettre d’ignorer.