Organisations de la société civile : le maillon manquant de la lutte contre les MTN ?

03 September 2020

Yacine Djibo, Fondatrice et directrice exécutive de Speak Up Africa

Les organisations de la société civile (OSC) sont cruciales dans nos sociétés, en particulier dans des pays tels que le Sénégal, le Niger et la Guinée, où elles font le lien entre la population et les décideurs politiques et agissent comme catalyseur essentiel à la santé publique. Nous avons déjà observé à de nombreuses reprises l’importance des OSC comme actrices du changement avec bon nombre d’entre elles appelées à contribuer au plus haut niveau des décisions de santé. Les causes auxquelles peuvent se consacrer les OSC sont nombreuses et diverses, mais peu d’entre elles ont un impact aussi important que la cause des maladies tropicales négligées (MTN). Les MTN sont un groupe d’environ 20 maladies qui affectent plus d’un milliard de personnes à travers le monde, tout en ne recevant que 0,6 % du financement mondial. Avec au moins 5 de ces maladies co-endémiques dans 79% des pays africains, il y a manifestement beaucoup à faire et les OSC peuvent changer la donne par leur proximité avec la communauté et leurs compétences en matière de plaidoyer.

En œuvrant au plus proche des populations, les OSC apportent une unique perspective. Elles créent des liens et provoquent une prise de conscience de la réalité de l’impact de ces maladies sur les communautés. Leur influence et leurs capacités d’accès touchent tant les populations que les dirigeants locaux et régionaux, d’où la nécessité de leurs interventions pour donner à la lutte contre les MTN l’importance qu’elles méritent dans l’opinion publique et l’agenda politique.

Les OSC ont défendu et continuent de défendre les intérêts des parties prenantes, notamment en les responsabilisant face aux réalités de santé publique, mais comme c’est souvent le cas, ces organisations sont plus fortes lorsqu’elles sont rassemblées. C’est pourquoi la création d’une communauté dédiée à la lutte contre les MTN est cruciale pour leur élimination. Des coalitions telles que La Société Civile dit « Non aux MTN » permettent aux organisations de mettre en commun leurs ressources et de maximiser l’impact de leurs efforts.

Des organisations de toute l’Afrique de l’Ouest se sont ainsi réunies pour partager leurs connaissances de la lutte contre les MTN. Parmi elles, l’Alliance nationale des jeunes pour la santé de la reproduction et la planification familiale (ANJ/SRPF), Environnement, Communautés, Santé et Sécurité (ECOSS) et l’initiative Hope for African Children (HACI) au Sénégal, Union pour le Développement et la Coopération (UDEC) et Jeunesse Secours en Guinée ; et Contribution au Développement Rural (CDR) au Niger.

Leurs missions sont diverses, allant de la santé sexuelle et reproductive à l’environnement, ou encore des problèmes communautaires à ceux de l’enfance. Ces organisations portent des missions différentes, mais parce que les MTN peuvent toucher tout le monde, chacun a un rôle à jouer dans leur élimination. Cette diversité renforce la coalition, chacun amenant une expérience unique née d’avoir surmonté des défis différents. En associant leurs expertises d’un bout à l’autre de la région, ces OSC ont augmenté leur portée et leur influence, réalisé de réels progrès en faveur de l’élimination des MTN et ainsi contribué à la protection de leurs concitoyens. Chaque OSC a travaillé différemment, chacune complétant les compétences des autres pour engager le plus d’individus possible.

L’ANJ/SRPF a par exemple organisé une série d’ateliers conçus pour les responsables politiques et qui ont mené à la signature d’engagements importants pour la lutte contre les MTN. Les leaders communautaires et les élus ont le devoir de protéger leur population, et grâce aux efforts de l’ANJ/SRPF, ils ont pu se rapprocher de cet objectif. HACI a, pour sa part, travaillé avec d’autres OSC et mobilisé 90 dirigeants de la société civile pour assurer le déploiement de programmes d’interventions contre les MTN. Grâce à cela, des articles ont été rédigés, des déclarations signées et le nombre de personnes engagées dans la lutte contre les MTN a augmenté. Autre exemple, l’UDEC en Guinée a non seulement travaillé avec des OSC locales, mais également organisé un certain nombre de sessions de formation et d’information destinées spécifiquement aux parlementaires et aux membres de la commission de la santé. Ce plaidoyer de haut niveau auprès des dirigeants démontre la grande utilité des OSC comme ponts entre les populations et les autorités décisionnaires.

Ces quelques cas montrent le rôle central que peuvent jouer les OSC dans la lutte pour le contrôle et l’élimination des MTN. Mais les médias constituent aussi un acteur clé ; les journalistes rappelant les dirigeants à leurs responsabilités et relayant l’information au public. Dans le but de faire comprendre ce que sont les MTN et comment les éliminer, l’ECOSS a ainsi fait appel aux radios pour s’assurer que le message de la coalition touche tout le monde. Jeunesse Secours a également organisé des ateliers dédiés à diffuser les techniques et informations essentielles en matière de MTN à Mamou en Guinée avec plus de 30 journalistes participants.

Ces OSC ont pu travailler ensemble grâce à la coalition « La Société Civile dit Non aux MTN » pour toucher tous ceux qui en avaient besoin. Mais la marge de progression est encore grande. Un traitement en masse pour l’élimination des MTN revient généralement à moins de 0,50 dollars par personne. C’est un faible prix à payer si l’on considère le mal qu’une MTN peut causer au cours d’une vie, tant à la personne concernée qu’à la communauté dans son ensemble.

Les MTN peuvent conduire à la cécité ou à la défiguration, et, chez les enfants, elles augmentent la probabilité de malnutrition, de troubles cognitifs ou de retard de croissance. Les personnes souffrant d’une MTN sont plus susceptibles de manquer l’école et ont moins de chances de participer activement à la vie de la communauté. Les personnes atteintes d’une MTN, maladies souvent méconnues, peuvent être rejetées par leur entourage, ce qui contribue encore plus à leur isolement. Grâce au réseau « La Société Civile dit Non aux MTN », tout un chacun, des décideurs politiques au grand public, peut contribuer à l’élimination de ces maladies. Le réseau donne accès à une plateforme permettant aux OSC de se consulter et de collaborer à tous les niveaux en vue de maximiser leur impact, en particulier en matière de responsabilisation pour un financement durable accru de la lutte contre les MTN.

Une plus grande harmonisation et intégration des OSC au secteur de la santé permettra d’accélérer l’amélioration des résultats de santé à l’échelle nationale ou régionale. En veillant à la solidité de nos systèmes de santé, nous serons en mesure de soutenir notre population au fur et à mesure qu’elle s’accroit, ce qui soutiendra la croissance de nos pays. Alors qu’un milliard de personnes à travers le monde souffrent aujourd’hui d’une MTN, il est difficile d’imaginer un monde sans ces maladies, mais c’est pourtant possible. Après tout, travailler contre vents et marées pour améliorer les conditions de vie des gens, c’est exactement ce que font les OSC.

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