Le projet « Premier kilomètre » : les zones rurales comme première étape de la Couverture sanitaire universelle

Statement • 23 December 2019

La Couverture sanitaire universelle (CSU) exige de repenser la façon dont nous investissons dans la santé en Afrique. Depuis des décennies, les investissements ont été répartis selon des maladies spécifiques mais ce type d’investissement exclusif doit être dépassé dans le cadre de la CSU. Les populations africaines doivent pouvoir accéder à des soins de santé de qualité quelles que soient les maladies dont elles souffrent et peu importe leur situation géographique.

La CSU offre aux nouveaux acteurs du continent l’opportunité de réfléchir à leur contribution à la santé en tant que fondement de la transformation économique dans toutes les régions d’Afrique. D’ici 2030, 50 % de la population de l’Afrique sera urbaine, ce qui signifie donc qu’une majorité de la population africaine vit aujourd’hui en zone rurale. Les mouvements de population sont ainsi, pour l’essentiel, des campagnes vers les villes. N’est-ce pas contre-intuitif de considérer l’endroit où la majorité des gens vit comme la dernière étape du déploiement des services de santé ?

Il est temps de comprendre que les communautés à l’extérieur des capitales sont en réalité le point de départ. Non seulement par leur poids démographique, mais aussi à travers leur rôle économique absolument essentiel en matière d’agriculture. C’est également dans les zones rurales que sont extraites et transformées les ressources naturelles dont dépendent de nombreuses économies africaines. C’est pourquoi le modèle économique consistant à priver les zones rurales d’un retour sur investissement important a des conséquences négatives majeures, notamment sur le secteur de la santé.

Le catalyseur du changement sera notre capacité à mettre en commun nos ressources pour avoir un impact sur l’ensemble de la communauté par l’amélioration des systèmes de santé, au lieu de se concentrer sur des interventions médicales au cas par cas. Le digital est en train de refonder la conception et l’investissement dans les infrastructures de nos pays. Bien que nous soyons encore loin d’une plateforme citoyenne numérique complète et intégrée, à l’image du modèle chinois, nous pouvons commencer à adopter une culture de collaboration à une échelle beaucoup plus grande. N’oublions pas que la somme de tous les dons, que les citoyens africains partagent, fournit une source de financement sûre pour cette première étape.

Cela explique la présence des nouveaux fournisseurs de soins de santé dans des endroits où les Africains peuvent mettre en commun leurs ressources. Bien que des progrès aient été réalisés dans l’élimination de maladies évitables, notamment la filariose lymphatique comme problème de santé publique au Togo, des ressources supplémentaires en provenance de la diaspora africaine viendront encore accélérer l’élimination de ces maladies dans les zones rurales d’Afrique. Le projet « Premier Kilomètre », ou première étape, en appelle aux membres de la diaspora et aux citadins disposant d’un revenu suffisant pour contribuer à améliorer les soins de santé en zone rurale.

Bien qu’elles puissent paraître invisibles à la plupart des gens, le paludisme, les maladies tropicales négligées et d’autres maladies évitables et traitables continuent de freiner la contribution des communautés rurales à notre transformation économique. La CSU est l’occasion de repenser la manière dont les sociétés africaines ont construit leurs programmes de santé pour s’adapter aux flux de financement au lieu de chercher à prévenir et guérir toutes les maladies.

Notre impact sera amplifié dans la mesure où nous parviendrons à unir nos ressources pour renforcer les institutions gouvernementales de santé, et à remplacer le modèle d’intervention médicale par type de maladie. Le paludisme, les maladies tropicales négligées (MTN) et d’autres maladies évitables et traitables continuent d’entraver la contribution des communautés rurales à notre transformation économique à cause du double fardeau des maladies transmissibles et non transmissibles. L’urgence d’en finir avec le paludisme s’est dissipée dans l’esprit de beaucoup de gens. Nous nous sommes habitués à vivre avec le paludisme, malgré la multitude de vies et des communautés qui en souffrent encore.

Il est temps que les Africains prennent conscience du coût du paludisme dans leurs efforts de transformation économique. Des campagnes comme #ZéroPaluJemEngage nous rappellent le rôle que doivent jouer tous les individus. Dans le cadre de la CSU, cela signifie que nous ne pouvons plus attendre patiemment des ressources venues d’ailleurs pour venir en aide aux communautés qui nourrissent la nation. Par ailleurs, soutenir et porter le mouvement #NonauxMTN, c’est rejoindre le programme de don de médicaments le plus important au monde qui contribue à lutter contre la dégradation de la vie des malades. Pourtant, la plupart d’entre nous ignorons tout des MTN et n’avons qu’un vague souvenir de la façon dont le paludisme nous a affectés. Nous avons pris nos distances par rapport au sort des zones rurales, même si c’est de là que vient notre succès actuel.

Et si la dernière étape à franchir en matière de santé n’était pas les zones rurales mais les villes où nous affluons tous à la recherche d’emplois, de soins de santé et de sécurité face aux maladies ? En quoi notre attitude en tant qu’africains serait-elle différente ? Je n’ai peut-être pas toutes les réponses à ces questions, mais il est temps que nous commencions à examiner nos systèmes de santé en fonction de la valeur intrinsèque qui anime nos pays.

La CSU offre aux Africains et aux membres de la diaspora, l’opportunité de contribuer à la lutte contre ces maladies dont nous savons qu’elles peuvent être vaincues par la mise en commun efficace de nos ressources. Depuis 2015, l’association caritative chinoise Tencent Charity permet à des millions de personnes de faire des dons en faveur de causes auxquelles elles croient. Quelle que soit l’importance des ressources provenant de l’extérieur, la CSU sera à portée de main lorsque nous aurons accepté que les ressources africaines des zones rurales ont la même valeur que celles des villes. Parce qu’au bout du compte, nous sommes engagés dans une transformation économique d’1,3 milliard de personnes qui ont besoin d’accéder à des soins de santé de qualité où qu’elles se trouvent sur le continent.

Commencer par la première étape implique que les africains coordonnent les investissements de transformation économique avec les investissements de santé afin qu’il ne s’agisse plus d’une conversation parallèle en marge du développement africain.

Par Carl Manlan, Directeur des opérations à la Fondation Ecobank

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