La pandémie de la COVID-19 illustre pourquoi il est si important d’améliorer l’assainissement sur le continent

15 October 2020

À l’heure de la COVID-19, l’Afrique prend plus que jamais conscience de l’ampleur des améliorations à apporter au secteur de l’assainissement. Face à une pandémie où la meilleure façon d’enrayer la propagation de la maladie est le lavage fréquent des mains à l’eau et au savon, le continent africain se heurte à de nombreuses difficultés. Les statistiques montrent à quel point il existe une grande disparité entre ce qui est nécessaire et ce qui est réaliste. Selon la Banque africaine de développement, 400 millions d’Africains n’ont pas accès à l’eau salubre et près de 800 millions n’ont pas accès à des installations de base pour se laver les mains.

Seuls 28 % des 962 millions d’habitants de l’Afrique subsaharienne ont accès à des installations sanitaires de base, et selon une étude OMS/UNICEF 2017, 32 % pratiquent encore la défécation en plein air. Pour remédier à cette situation, des mesures radicales s’imposent, car les villes africaines sont de plus en plus peuplées, poussant les gens dans des bidonvilles de plus en plus vastes en raison de l’intensification de l’exode rural et de la croissance démographique rapide. La majorité des citadins africains vivent dans des quartiers informels et des bidonvilles dépourvus de services sanitaires de base.

Selon Aïda Kabo, responsable du programme d’assainissement de Speak up Africa, « le poids supplémentaire que la COVID-19 exerce sur le secteur de l’assainissement montre pourquoi le statu quo ne peut être maintenu. La COVID-19 met en relief pourquoi des politiques d’assainissement et d’hygiène globales et inclusives, soutenues par un financement durable, sont nécessaires pour améliorer l’accès de tous à un assainissement géré en toute sécurité et se préparer à répondre aux crises futures. » Tout au long de la chaîne de valeur de l’assainissement autonome, Aïda met en évidence les différentes façons dont la COVID-19 a mis en relief les points faibles. Lorsque les mesures de confinement ont été mises en place, la majorité des ménages qui n’avaient pas accès à l’eau courante se sont retrouvés dans une situation précaire. Ils ne pouvaient pas se rassembler à l’extérieur pour aller chercher de l’eau, alors que c’était de cette eau même dont ils avaient besoin pour se protéger de la pandémie, en se lavant fréquemment les mains à l’eau et au savon. La situation est tout aussi difficile pour les prestataires de services d’assainissement. À Dakar, par exemple, plus de 70 % de la population dépend d’un assainissement autonome et de la vidange mécanique de leurs fosses septiques. À cause des mesures de restriction, beaucoup de ces entreprises privées ont eu du mal à faire leur travail pendant les heures qui leur étaient allouées. Face à la diminution de leurs revenus, les ménages ont accordé une priorité beaucoup moins importante à la vidange de leurs fosses septiques, préférant utiliser le peu d’argent dont ils disposaient pour leurs besoins essentiels. Ces entreprises privées qui jouent un rôle important dans le secteur de l’assainissement ont du mal à s’en sortir financièrement.

Différents acteurs des secteurs privé et public ont redoublé d’efforts cette année pour combler les énormes lacunes en matière d’assainissement, rendues plus complexes par la pandémie. Par exemple, au cours de ces derniers mois, Speak Up Africa est à l’origine du lancement de Stay Safe Africa, une campagne qui rassemble des partenaires, des journalistes, des organisations de la société civile, des entreprises du secteur privé et des dirigeants politiques pour augmenter les investissements et sensibiliser le public à la COVID-19 sur le continent, tout en garantissant l’accès au traitement contre les autres menaces sanitaires existantes. En juin de cette année, Stay Safe Africa a distribué et installé 300 stations de lavage des mains dans des écoles sénégalaises, en partenariat avec le Programme alimentaire mondial, le Groupe des Amis de l’Alimentation Scolaire (GAASS) et le ministère de l’Éducation du Sénégal. Cette initiative avait pour but de soutenir le ministère de l’Éducation qui s’était donné pour mission de continuer à éduquer les élèves pendant la pandémie malgré les difficultés pratiques pour assurer leur sécurité.

Le secteur de l’assainissement est actuellement confronté à des difficultés en raison d’un manque de clarté dans les politiques d’assainissement, notamment en ce qui concerne les responsabilités institutionnelles, le financement et le recouvrement des coûts. En théorie, les pays africains disposent de politiques pour faire face à la situation, mais les réalités sur le terrain sont différentes. Si diverses déclarations ont été signées, dont la Déclaration de Ngor, énonçant des objectifs ambitieux d’amélioration de l’accès à l’assainissement pour tous, il reste encore des lacunes considérables à combler pour que cela devienne réalité. Pour combler ces lacunes, les Directives pour les politiques d’assainissement en Afrique (ASPG) sont en cours d’élaboration. Leur but est d’aider les États africains à créer un environnement favorable à l’accès universel à des installations sanitaires gérées en toute sécurité pour tous. Selon une étude du Conseil des ministres africains chargés de l’eau (AMCOW) sur les politiques d’assainissement dans 26 pays africains, 69 % de ces politiques sont encore basées sur les OMD, dont la date butoir était 2015. Les ASPG fournissent un cadre qui sera facilement appuyé et approuvé par les pays, car ceux-ci sont des acteurs de première ligne et des participants actifs dans l’élaboration d’un guide qui peut s’adapter à leurs réalités. Les Directives pour les politiques d’assainissement en Afrique expriment ce qu’est une politique d’assainissement idéale, et les pays pourront s’en servir comme référence pour élaborer des politiques d’assainissement inclusives et globales.

Ces efforts, parmi d’autres, ont été essentiels pour soutenir le secteur de l’assainissement, mais il reste beaucoup à faire à long terme pour renforcer ce secteur sur le continent. La COVID-19 a montré au continent l’importance d’investir dans le secteur de l’assainissement et de l’hygiène, non seulement en temps de crise, mais aussi en tout temps pour éviter de futures catastrophes.

Ciku Kimeria est consultante en communication chez Speak up Africa à Dakar, un groupe d’action politique et de plaidoyer qui dirige la Campagne Stay Safe Africa à travers le continent, en s’associant avec divers partenaires privés et publics pour donner à tous les citoyens les moyens de contribuer à limiter la propagation de la COVID-19.

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